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Mathieu Acebes. Photo Jean-Jacques Sentucq

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Pau tient son Graal

On a coutume de dire que le plaisir grandit avec l’attente. Les Palois ont pu le vérifier le 11 avril. Neuf ans après avoir été relégués, au soir d’une défaite à domicile face à Castres au printemps 2006, les Palois ont remporté une victoire bonifiée face à Montauban (31-5) qui les propulse de nouveau dans l’élite du rugby français. Et c’est avec la couronne du champion de Pro D2 vissée sur la tête que les hommes de Simon Mannix vont déambuler dans un Top 14 qu’ils avaient quitté au terme de sa première édition. Une éternité.


Clin d’œil du destin, ironie du sort...

À vous de choisir. Mais ce match

synonyme de renaissance pour

l’institution béarnaise a été à l’image

des interminables saisons qui séparent

la chute de la renaissance de ce club.

Chaotique, pas toujours maîtrisé,

souvent stressant... Heureusement,

seule la chute compte et elle s’est

muée en explosion de joie.

C’est le centre Fidjien Jale Vatubua

qui a enfilé le costume d’artificier en

inscrivant l’essai du bonus au bout de

76 minutes alors que le Hameau

balançait entre l’asphyxie et le doute.


Anecdotique désormais. « Je ne réalise

pas encore, souffle un Jean Bouilhou

tout autant bousculé par les tapes dans

le dos que par l’émotion. Les gens sont

en folie et nous aussi. L’émotion est

grande parce que l’attente était immense. »


Les leçons des défaites


Et plus encore. Au-delà de la frustration née des années passées dans ce purgatoire que représente la deuxième division, la Section a connu lors de ces dernières saisons des déceptions immenses qui ont forgé le champion qu’elle est devenue. Mais si les deux défaites en finale d’accession concédées à Bordeaux, face à Mont-de-Marsan puis Brive en 2012 et 2013, tout comme celle en demi-finale à La Rochelle en mai dernier, lui ont tanné le cuir, elles lui ont surtout inculqué une certitude : le chemin le plus court vers le Top 14 reste l’accession directe. David Aucagne en est convaincu : « On a pensé à tous ces moments au coup sifflet final. On a connu des moments difficiles, mais c’est dans ces défaites qu’on a grandi. »


Des souvenirs qui ont rapidement laissé la place à un sentiment beaucoup plus simple que le Néo- Zélandais a exprimé avec un pragmatisme moqueur – « C’est pas mal hein » – avant de fendre l’armure : « I’m fucking happy. Personne n’oubliera la Section 2014-15. Je suis un casse couille, j’ai mis la pression sur tout le monde : je félicite tout le monde pour le boulot effectué. »


Le résultat, c’est une huitième ligne qui apparaît sur le palmarès de la Section (NDLR, trois Brennus et autant de Challenges du Manoir et un challenge européen). Aux grincheux qui souffleront qu’il ne s’agit là « que » d’un titre de deuxième division, Jean Bouilhou, fort de

quatre Brennus et trois Hcup remportés avec Toulouse, livre cette réponse : « Il n’y a pas d’échelle. J’ai été champion de France universitaire, et c’était pareil. »


Pour lui comme pour le centre Damien Traille, deux fois champion de France avec le BO, le symbole est magnifique. Ces deux Béarnais sont revenus au crépuscule de leur carrière pour ramener leur club formateur à la place à laquelle ils l’avaient laissé. « Revenir avec un titre, c’est le plus beau, jubile Damien Traille. Quand je suis parti à Biarritz, je suis devenu champion. Je reviens à Pau, et je suis encore champion. »


Jusque dans la nuit, les Palois se sont sans doute laissés bercer par cette petite phrase enivrante. Le lendemain matin, ceux qui ont réussi à émerger ont peut-être encore l’impression d’être au paradis. Mais Simon Mannix porte déjà son regard au- delà : « C’est une petite étape pour la Section. Par contre, c’est la plus importante car c’est la première. On sait quel challenge nous attend désormais. » Il est immense. Mais ça, c’est pour plus tard. 

En images : l'ambiance au stade

Plus de 13 000 billets ont été vendus pour assister au match face à Montauban, le samedi 11 avril. 


Non, les Montalbanais ne se sont pas déplacés pour être relégués au rang de simples spectateurs. S’ils n’ont jamais été en mesure de contester le gain de la victoire aux Palois, les hommes de Xavier Péméja qui n’avaient plus rien à jouer dans cette saison ont longtemps barré la route du bonus aux futurs champions de France.

Après un début de match laborieux, c’est Vunibaka qui a inscrit le premier essai (26e). Boutaty, qui a jailli du cœur d’un regroupement, a inscrit la deuxième réalisation (47e). Mais alors que les Palois semblaient avoir fait le plus dur, Montauban a marqué sur la remise en jeu (48e).

De quoi faire douter les Palois, mais ils ont été bien aidés dans leur tâche par l’arbitre qui a infligé un rouge à Esclauze (52e) et un jaune à Vaotoa (59e). Hurou (61e) et Vatubua (76e) en ont profité dans une certaine confusion. Fajardo sourit : « Au près, au large... On ne savait plus quoi faire. » Ils ont fini par trouver.

Le bonus au bout du suspense


Grâce à leur victoire bonifiée, les Palois ont décroché le titre de champion. Neuf saisons après leur relégation, et deux défaites en finale d’accession, ils vont retrouver le Top 14 

« Sud Ouest ». Au lendemain de votre sacre contre Montauban (31-5), savourez-vous ce titre ou avez-vous déjà basculé dans la préparation de l'avenir ?


Bernard Pontneau. C'est mon défaut, ou l'une de mes qualités : j'ai un bonheur éphémère. Quand on est heureux, c'est parce qu'on réalise un objectif. C'est fait désormais : il y a eu beaucoup d'aléas, ça a été un peu long pour moi - j'ai appris la patience dans le rugby - mais je suis déjà au coup d'après.


La joie est donc déjà passée ?


Non, il y aura deux temps. Le premier est à chaud : il fallait gagner ce match à cinq points. La différence entre le joueur et le dirigeant, c'est que le premier produit beaucoup d'adrénaline et il peut l'évacuer. À l'inverse, les dirigeants sont tout de suite replongés dans la gestion. Le deuxième temps interviendra à la remise du bouclier : ce sera un plaisir plus contrôlé et puissant.


Cela fait huit ans et demi que vous occupez la présidence. Ce moment est-il tel que vous l'aviez imaginé ?


Oui. La descente, je l'ai vécue en tant que partenaire : je fais partie de ceux qui se souvenaient de la fin du match contre Castres quand on descend (Ndlr, lors de la dernière journée en 2006), et même des minutes qui ont suivi. Ce sont des sensations qu'on veut effacer, même si en tant que dirigeant, on porte une vision plus globale de la structuration sportive et économique du club.


Quelle a été votre première pensée au coup de sifflet final ?


(Il réfléchit). Si, quelque part, j'ai pu participer à enflammer l'ambition de certains joueurs, en leur faisant prendre conscience de leur potentiel, c'est une forme de réussite d'entreprise.


Il y a eu des années difficiles, des défaites en finale d'accession. Mesurez-vous le parcours accompli depuis votre arrivée à la présidence ?


Les défaites en finale d'accession (2012, 13), on s'en est nourri pour finir premier aujourd'hui. On aurait peut-être pu monter d'une autre manière, mais on n'aurait pas été aussi structuré. Ces revers nous ont permis d'éclairer nos manques. Le club est mieux préparé.


La Section occupe la première place depuis la 2e journée, mais il y a tout de même eu des accrocs (1). Avez-vous douté parfois ?


Non. Il y a eu des tournants. Le début du mois de janvier en est un. Le début de saison également, avec huit victoires d'affilée (Ndlr, un record). En interne, on se disait qu'on saurait à quoi s'en tenir après le mois de janvier. Ça a été le cas.


Simon Mannix est souvent présenté comme l'homme providentiel. Êtes-vous de cet avis ?


On ne l'écoute pas. Il a toujours dit que des choses très importantes avaient été faites avant son arrivée. S'il n'avait pas trouvé cet héritage, il n'aurait pas pu réaliser tout ça. Par contre, dans le cadre du développement du club, il a fait ce qu'il devait probablement beaucoup plus vite que nous l'espérions. Même lui-même. C'est ça la vérité.


Le Top 14 est souvent présenté comme un enfer pour les promus. Vous fait-il peur ?


Non, puisqu'on en a envie. Quelque part, ça fout la trouille de recevoir Toulon, Clermont, Toulouse… Mais c'est de la bonne trouille. Je n'aime pas la médiocrité et si on veut avancer, on le fera en se nourrissant de ces gens-là.


La Section peut-elle exister dans la cour des grands ?


Elle peut exprimer une personnalité qui lui est propre. On a notre modèle économique et sportif, il faudra l'affirmer. Pour cela, le bras armé sera le rugby. Le projet de jeu est donc primordial.


Pau a été l'un des principaux acteurs du marché des transferts. Quelles sont vos ambitions ?


On a des bons joueurs, un bon groupe : l'objectif est de le nourrir avec de la valeur ajoutée. C'est ce groupe qui a décroché la montée et qui composera le gros de la troupe la saison prochaine. Certains éléments ne sont pas encore au top de leurs compétences, alors ceux qu'on amènera les aideront à franchir ce palier. L'ambition est simple : apprendre très vite pour se maintenir. Mais il y a plusieurs moyens de le faire. Dans la galère ou dans le confort. Et c'est la seconde option la meilleure.


Les arrivées de Conrad Smith, Colin Slade ou encore Julien Pierre sont actées. Cela n'autorise-t-il pas à regarder plus haut ?


Je n'aurais pas cette arrogance. Pour le moment, on est le Petit Poucet : un nain. Par contre, j'espère qu'on est une équipe intelligente capable d'apprendre vite.


Il y a deux sortes de présidents en Top 14. Les mécènes et les autres : à quelle catégorie appartenez-vous ?


Je suis au milieu. Mécène, on l'est tous. Après, c'est une question d'échelle. Je ne me qualifierais pas ainsi, mais je fais partie des trois gros actionnaires de mon club (Ndlr, avec Marc Tournier et Joachim Alvarez). Je n'irai pas au-delà de cet engagement : à mon échelle, j'ai déjà dépensé beaucoup d'argent.


Forte de son recrutement, l'arrivée de la Section en Top 14 est observée avec circonspection. Est-ce une première victoire ?


Non. On est pris au sérieux parce que le rugby est plus observateur de ce que font les autres. Mais selon moi, on devient important seulement lorsqu'on gagne sur le pré. C'est la seule chose qui reste dans les livres d'histoire.


(1) Défaites à Colomiers (50-10) ou à domicile contre Tarbes (16-20).


Article paru dans Sud Ouest le 13 avril 2015

Président de la Section depuis plus de huit ans, Bernard Pontneau savoure le titre de champion décroché samedi 11 avril. Mais il assure avoir déjà basculé sur la préparation de la prochaine saison en Top 14.

La "bonne trouille" de Bernard Pontneau

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Photos David Le Deodic

Le bouclier en main

C'est avec une défaite que la Section a conclu cette saison à domicile, dimanche 3 mai 2015 (23-24). Mais le bouclier remis à la fin du match a vite chassé les regrets.

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